Chroniques du jeu, des joueurs et des matches d’avant.

Pour une esthétique éternelle du football, de ses enjeux, de ses libéros et de ses 5-3-2.

mercredi 4 juillet 2012

PANENKA D'ECOLE(S)

En matière de super prise de risque, tenter un corner direct, dribbler Carlos Mozer de son mauvais pied, ou rentrer dans le stade de Saint-Symphorien en marche arrière, c’est pas mal. Mais le summum du coup de bluff en crampons moulés, c’est la louche sur coup de pied de réparation.




Un geste passé à la postérité un certain soir de finale de l’Euro 1976. Antonin Panenka, élégant milieu de terrain des Bohemians Prague se présente face à Sepp Maier, gardien de la RFA championne du monde et d’Europe et titre. Il lui échoit la responsabilité de tirer le dernier tir aux buts d’une séance qui doit désigner le vainqueur de la compète. S’il marque, c’est gagné.

Le voilà qui se pointe avec sa grosse moustache face au meilleur goal du monde. Grosse prise d’élan. Le stade retient son souffle et s’attend à une tatane de bohémien. Sauf que le petit filou retient son coup de pied au dernier moment et balance un amour de pichenette en plein milieu des cages. Maier avait anticipé sur sa gauche. Il est aux fraises. Le ballon vient mourir tendrement au fond des filets.

Andrea "l'Architetto" Pirlo

Le geste est pur, surprenant, culotté. Le félin tchèque, pas avare, lui offre son nom. Depuis, la « Panenka », donc, revient régulièrement titiller d’envie les techniciens les plus audacieux. Au risque de se gaufrer complètement. Andrea Pirlo a explicitement mis à jour le mode d’emploi en réussissant son geste à la perfection lors du dernier Euro lors de son face à face avec Joe Hart en quart de finale. Le fantasque romain Francesco Totti ou la grande perche uruguayenne Sebastian Abreu, alias « El Loco », en ont fait une spécialité. D’autres ont eu moins de réussite.

Ainsi, un certain Eric Cantona a appris à ses dépens qu’il était peut-être plus prudent de brûler un feu rouge les yeux fermés que de tenter une « Panenka » en coupe de France à Beauvais sur terrain boueux. Mickaël Landreau en finale de la même compète quinze ans plus tard a connu la même déconvenue face au sochalien Richert. Un autre joueur célèbre pour ses publicités Leader Price s’est également pris les pieds dans le tapis au moment de tenter sa petite « Panenka ».

J'adore vous voir énervé.

Il avait face à lui un gardien qui avait été durant de longues saisons son 
coéquipier. Mais au lieu d’une petite louche, c’est une pichenette trop haute et trop tendue qui vint heurter la barre transversale de Gigi Buffon. Non homologuée par le comité des puristes de la Panenka, son penalty est quand même rentré. À quelques mètres de là, le malicieux Materazzi, n’en pensa pas moins.

jeudi 24 mai 2012

MANFRED KALTZ, JUSTE PARMI LES DURS


Les bourreaux de Séville 82 sous les traits d’un bataillon de l’armée du IIIe Reich : voilà une image issue d’une faille spatio-temporelle qui « fitte » plutôt pas mal comme on dit au Québec. On imagine bien Harald Schumacher piloter un Panzer dans le désert libyen avec à ses côtés un Uli Stielike ravagé par le soleil africain, ivre de haine et de schnaps, le doigt sur la gâchette de l’automitrailleuse...


"Super Manni": avec lui, les enfants rangent
leurs affaires sans moufeter.

D’autres membres du gang teuton de la campagne espagnole ont aussi la gueule de l’emploi. Horst Hrubesh, Karl-Heinz Rumennigge ou Hans-Peter Brigel en officiers de la Luftwaffe en casque à pointe, ouais, ça « fitte ». Alors, RFA 82, une équipe de brutes sanguinaires prête à tout pour parvenir à ses fins, y compris des alliances pangermaniques douteuses et des tacles à la carotide ?

Non, comme dans les belles histoires qu’on va voir au cinéma, il y a bien deux ou trois « justes » pour se désolidariser de la boucherie de Séville. Un Paul Breitner, ennemi intime du Kaiser Franz, hippie patenté et fumeur de havanes ? Un Pierre Littbarski, frêle ailier autant que fin dribbleur, qu’on voit mal dans le rôle du bon aryen ? Oui, mais aussi, et surtout, Manfred Kaltz, valeureux latéral, droit comme un « I », barbu classieux aux remontées de balle soignées. Ce défenseur exemplaire est un modèle du genre, fair-play, sportif, tout ça.

LATÉRAL CLASS HERO

Affilié au HSV Hambourg, son club de (presque) toujours, celui qu’on surnommait « Manni » savait se transformer en « Super Manni » lorsque le feu brulait à la maison. Les passes de l’intérieur du pied, le corps en opposition, le tacle debout, la couverture défensive, les ouvertures stylées, le goût du combat, l’esprit chevaleresque… Un Max Bossis d’Outre-Rhin en quelque sorte, un type qui n’en fait ni trop, ni trop peu, capable de tacles millimétrés comme de centres brossés au second poteau sur la tête de Hrubesch.

Un bien beau joueur qui allait devenir le bourreau récurrent de notre Michel national. Séville 82, donc, (pas la peine d’en rajouter), mais aussi finale de coupe des Champions 83. Par deux fois, Kaltz l’emporta de justesse et causa bien des traumas à « Michele »… Syndrome de Stockholm ? S’il fut l’un des plus valeureux adversaires du numéro 10 de Joeuf, Manfred Kaltz n’en reste pas moins l’un de ces types face à qui les cuisantes défaites rehaussent le goût des victoires à venir.


Et vidéo-bonus, un résumé de la victoire du club de Hambourg, dont Manfred était le capitaine, face à la Juve de Michel Platini en finale de la C1 1983 :



vendredi 20 avril 2012

A BAS LES CHAUSSETTES !


Rafael Gordillo, Salvatore Bagni, Soren Lerby, Bruno Bellone, Daniel Bertoni, Safet Susic, Jorge « Magico » Gonzalez, Omar Sivori, Delio Onnis : milieux défensifs hargneux, ailiers virevoltants, meneurs de jeu géniaux ou buteurs opportunistes, ces joueurs avaient en commun une certaine propension à baisser la chaussette, ni une ni deux.


Chaussettes baissées et mini-short: vamos a la playa

Question de pratique : le mollet respire mieux à l’air libre. Et le genou n’aime pas quand la chaussette synthétique vient gratter la rotule. Question de style, aussi. Quels que soient leur poste et leur niveau technique, ces aficionados de la chaussette baissée restent dans nos mémoires comme des joueurs à part. Des nonchalants qui jouaient « à la cool », tel qu’on pouvait se le permettre avant l’instauration du pressing permanent sur le porteur de ballon.

Et puis, l’International Board a décidé que les protège-tibias seraient obligatoires sur tous les terrains de football du monde. Qu’il en allait de la santé des joueurs. De leur intégrité physique. Précaution de principe à l’attention des voltigeurs de la balle et autres princes du dribble chaloupé soumis à la constante contrainte du pressing adverse.

Il devint alors difficile de laisser respirer ses chevilles en plein match.
Quelques irréductibles poursuivirent néanmoins l’élégant dessein d’entretien de cet effet stylistique propre aux esthètes qui connut son heure de gloire sous le soleil mexicain de la Coupe du Monde 1986.

Parmi ceux-ci (il y en a beaucoup d’autres*), Rui Costa, Laurent Blanc, Francesco Totti sont les plus fameux représentants de la chaussette à mi - mollet de ces vingt dernières années. Ils sont les plus emblématiques vestiges d’un temps où le placement et le toucher de balle prévalaient sur la puissance et la vitesse. Blanc,  Rui Costa, Totti : trois magnifiques créateurs rendant un précieux tribut à la légende de la « chaussette baissée ».

*Veron, Hleb, Capucho, Camoranesi, Zaïri, Munitis, Aldaïr, Appiah, Ezequiel Gonzalez, Danny….

mercredi 11 avril 2012

LA BARBE DE LA COUPE


Le poil qui pousse permet, parait-il, de « conserver l’influx nerveux ». En termes sportifs, cela se traduit par une superstition qui inflige à qui veut bien y croire que laisser sa pilosité faciale proliférer est de bon augure pour la suite des évènements. Rapport à la dynamique de la victoire...


Une équipe non sponsorisée par Bic.
Les footballeurs n’étant pas les moins superstitieux des sportifs (en tout cas beaucoup plus que les tennismen, que l’on range volontiers dans la catégorie des « moyenstitieux »), ils sont particulièrement enclins à se laisser pousser la barbe tant qu’ils restent en course dans une compète de longue (et mauvaise) haleine.

Cette coutume était régulièrement pratiquée par les équipes en lice en coupe de France à une époque où The Police, Duran Duran et les Talking Heads squattaient le haut des charts. « Tant qu’on gagne, on se rase pas », tel était le mot d’ordre de ces sympathiques bandes de barbus cramponnés.

Une pratique bien désuète à l’heure des footballeurs metrosexuels imberbes.
C’est dire l’anachronisme lorsqu’on observe les Thierry Tusseau, Loïc Amisse, Philippe Thys, Michel Ettore et autres Vahid Halilodzic débouler au Parc un beau soir de printemps avec leurs looks de Robinson Crusoë pour les finales 1983 ou 1984.

On n’imagine pas Samir Nasri, Habib Beye, Jérome Leroy ou Fabien Lemoine se pointer au stade de France avec un collier de barbe de deux mois pour la finale de la coupe de la Ligue. Ou alors, on leur ferait gentiment comprendre qu’il doit y avoir une erreur quelque part et que le championnat des sans-abris, c’est pas au SDF qu'il se joue.

Exemple en images qui bougent : une bande de hippies lorrains met sous l’éteignoir les défiscalisés du Rocher en finale 84 :


vendredi 23 mars 2012

LE « CONTRENACCIO »


Sans maîtrise la puissance n’est rien. Ainsi soit-il. De même, sans capacité à ressortir les ballons afin de les bonifier ostensiblement, jouer serrer en défense est une stratégie indue. C’est ni fait ni à faire, comme dirait l'autre.


"Azur ! nos bêtes sont bondées d'un cri !
Je m'éveille, songeant au fruit noir de l'Anibe
dans sa cupule verruqueuse et tronquée..."
(Saint-John Perse)
Bref, tout ça pour en venir à la bande à Cabrini et Tardelli millésime 1982, peut-être la plus belle équipe de contre de tous les temps. Derrière, c’est costaud, avec deux préposés aux tâches ingrates (marquer Maradona à la culotte, tirer le maillot de Zico, faire des croche-pieds à Boniek, réchauffer les panini à la mi-temps) : Collovati et le faux-ami Gentile. Derrière cette double lame triple effet, un autre duo s’assure qu’aucun sédiment n’a pu échapper aux crampons aiguisés des deux vigies sus-nommées : l’élégant libero Gaetano Scirea (RIP), et le gardien quadragénaire pépère de presque deux mètres, Dino Zoff.

Cette hétérogène ligne défensive résume bien les qualités de cette formation capable de passer du 532 au 343 en cours de match en fonction des circonstances : un astucieux mélange de classe seventies très Dolce Vita- Cinecittà -Michelangelo Antonioni (qui renvoie à son quasi-homonyme, le tetraquista Giancarlo Antognoni, perle de la « Fio » et meneur de jeu par intermittence de la Squadra) et de rugosité maligne typiquement transalpine – la commedia dell’arte, le scandale des matches truqués et tutti Chianti.


Au milieu, le travailleur Tardelli – prototype avant avant-gardiste du « relayeur » moderne, aussi efficace à 10 qu’à 90 mètres de la ligne de fond - montre ses protubérantes veines à la terre entière après son mythique but en finale. L’ancien Causio et le discret Oriali colmatent les brèches. Côté gauche, Cabrini (meilleur jeune du Mundial Argentin en 1978) est un latéral très offensif qui combine souvent avec le fuoriclasse. Bruno Conti, idole romanista dont les crochets dévastateurs font la fortune des kinés espagnols de l’été 82.

On voit bien que cette équipe est prête à tout pour l'emporter.

Alors certes, pour en revenir à l’axiome initial, une équipe de contre n’est rien sans un milieu bonificateur de ballons, mais encore faut-il, devant un « killer » capable de concrétiser sans le moindre état d’âme la moindre occasion qui traine par là (ou par là).

Et c’est à ce moment précis qu’entre en scène le buteur de légende, le damné en quête de rédemption, le Toto Schilacci du riche, le Vivaldi du calcio : Paolo Rossi. Zéro match officiel depuis deux ans (cf Totonero), zéro but lors des cinq premiers matches de la compétition (rappelons qu’il s’agit d’un mondial et pas d’un tournoi de sixte) et patatras, six goals lors des trois derniers matches, demi et finale inclus. Un boulet de canon, un frisson irrationnel, un fatras cosmique, une conjonction astrale en forme d’énigme, une sorte de Champolion du ballon rond.


Voilà pour le contenant. Concernant le contenu, observons au microscope le résumé de la confrontation face à l’Argentine qui marque le véritable réveil des hommes de Bearzot après trois nuls peu glorieux au premier tour. La leçon de football de contre-attaque en vingt-quatre images à la seconde :


jeudi 8 mars 2012

LES FILETS TRIANGULAIRES


Imaginons qu’un consortium d’ethnologues dévoués aux cultures populaires pose la question suivante : qu’est-ce qui a le plus changé dans le football entre 1986 et 2011 ?


La cotation en bourse des clubs ? Anecdotique. La coupe de cheveux de William Ayache ? Pas tant que ça, il a juste perdu ses frisettes. La masse musculaire des milieux défensifs ? Oui, mais non. L’interdiction de jouer avec les mains pour le gardien sur les passes en retrait ? Demandez à Jean-Luc Ettori. La taille des shorts ? Là y’a une vraie piste mais bon.

Angle de 72° obligatoire


Rien de tout cela n’a autant modifié la vision en profondeur du foot que la forme des filets de cage de but. Faisons comme si on était en cours d’EMT. Dessinons un plan de coupe d’une cage lambda d’un stade epsilon de 1985. Les filets qui forment l’ossature de profil de la cage sont triangulaires. Ou presque. Mais on ne va pas chipoter. Lâches si possible, pour que le ballon franchisse la ligne et vienne se nicher là bas, bien au fond, comme un pauvre turbot capturé par une bande de pêcheurs boulonnais de Ligue 2.

Prenons maintenant l’exemple d’une cage sigma d’un stade oméga de 2011 et réalisons la même expérimentation manuelle et technique: on voit bien (si, si) que de profil comme vu de dessus, les filets forment un parallélépipède rectangle. Un détail qui change tout. Quand y a but, le ballon continue de bouger. Il lui arrive même (quand il subit une Bundesliga – tatane par exemple) de ressortir des caisses, comme au baby-foot quand on fait "gamelle".

Effet "filet de pêche" quand on va chercher le ballon après un but


C’est bien là tout le problème des filets rectangulaires. Le ballon vit encore après le but. Il agonise mais vit encore. Pas top classe. Les filets triangulaires avaient plus de gueule et étaient plus respectueux quand le ballon entrait dans l'espace prévu à cet effet. Même ceux avec le logo "BUT" qui laissaient le ballon ressortir des cages – parce qu'un chouïa trop tendus.

On parle là du championnat de France époque Jean-Christophe Thouvenel-Philippe Anziani. Puis, y’a eu la Coupe du Monde au Mexique d’où on a rapporté deux vices étranges: la «ola», et les filets aux angles à 90°. Petit mémento pour ceux qui sont nés après le Ballon d’Or d’Igor Belanov, avec des images qui bougent du Parc des Princes et de ses filets "BUT".
  

mercredi 22 février 2012

LE JEU COLLECTIF


Dix Mexicains, quinze passes, soixante-cinq secondes de bonheur et à la conclusion Jared Borgetti. Guacamole style.


Long ballon italien. Vieri dévisse comme une petite frappe. Le ballon arrive dans les pieds de "Super Pippo". Inzaghi se retourne. Carmona, d’un tacle chirurgical, lui pique le ballon ni vu ni connu.

Torrado, la vigie chauve du milieu transmet à son capitaine et libéro, Rafael Marquez.
Qui remonte tranquillement sa moitié de terrain. Marquez s’appuie sur Luna à hauteur du rond central, avant de remiser sur Carmona. La balle, désormais bien installée dans le camp italien, arrive jusqu’à Arellano.

Borgetti Jared et Maldini Paolo


L'ailier droit mexicain ne parvient pas à se défaire de Panucci mais un peu quand même. Plutôt que de s’acharner et de tenter un centre hasardeux, Arellano ressort proprement le ballon. Retour 40 mètres en arrière. La défense italienne semble contenir ces mariachis sans tambours ni trompettes.

Vidrio, stoppeur droit, feinte la longue balle en avant, puis repasse par Torrado, la plaque tournante du cartel mexicain qui donne le tournis aux azzuris. Direction l’aile gauche. Au tour de Morales, le pendant d’Arellano côté opposé (de l'autre côté donc).

Luna arrive en renfort. Propose une solution en profondeur. Morales le sert. Cette fois, il va tenter le centre ! Zambrotta est pris dans la feinte. Comme Arellano un peu plus tôt, Luna choisit l’option passe en retrait sur Blanco. A 30 mètres des cages, il ajuste sa passe lobée vers l’avant-centre Jared Borgetti. Qui bat Maldini au duel. Sa reprise du haut du crâne décroisée en extension prend les gants de Buffon à contre-pied.




jeudi 2 février 2012

LE GRAND CHOUAN


 Son bon sens vendéen, sa loyauté, ses crochets puis son transfert surprise dans le club de Jean-Luc Lagardère font de Maxime Bossis le footballeur balzacien par excellence.


Fils de paysans, le Grand Max hérite de valeurs du terroir qui sentent bon la chouannerie et le mec un peu chiant: humilité, courtoisie, fidélité et altruisme; tout ce qui distingue en quelque sorte un honnête homme d’un ailier du Bayern. Notre sujet dispose aussi de grandes jambes capables de jouer à l’envers. Max, bien que droitier, s’installe donc au poste d’arrière gauche dans le meilleur collectif de la fin des années 70 : le FC Nantes. Il attaque, contre-attaque, marque à la culotte et défend sans jamais se jeter face à Dalger, Rouyer et Rocheteau.

Splendeurs et misères des libéros.



Ses crochets courts et son sens de l’anticipation mettent un coup de botox sur la vieille pelouse du stade Marcel - Saupin. Trimballé de gauche à droite à tous les postes de la défense, le courageux Max ne rechigne pas à la tâche. Ni en club ni en équipe de France. Un soir de juillet 1982, Max rate le tir au but qui aurait pu envoyer son équipe en finale de la Coupe du monde. Normal, Max préfère rester discret, tranquille, peinard,  à l’ombre en train de siroter des verveines menthe.

Mais la carrière de notre grand nigaud provincial prend un tournant inattendu lorsqu’il finit par céder aux sirènes du foot business en signant au Matra Racing, sorte de Real Madrid discount de l’époque. À un an de la coupe du monde 86, Max découvre la deuxième division, où la Comédie Humaine s’écrit de Quimper à Orléans, en passant par Beauvais et Abbevile.

Notre Rastignac en crampons moulés conserve néanmoins sa place en défense centrale au Mexique en 1986. Il y muselle Belanov, Altobelli et Careca mais ne peut rien face à Rudy Voller. C’est l’hallali pour l’équipe de Platini, et donc pour Bossis aussi. Dans les annales, il restera pour toujours « Monsieur Fair-Play » grâce à cette statistique que Blaise Kouassi a longuement médité les soirs de pluie à Guingamp : zéro carton jaune en 18 ans de carrière pro !

Les images du seul but en Bleu du Grand Max en maillot blanc dans un match geyser face à une équipe de pétroliers mal lunés:




mardi 24 janvier 2012

L’ENTOURLOUPE


A domicile, pour « son » mondial, l’Espagne évite l’humiliation suprême en remportant une victoire capillotractée face à de maudits Yougoslaves…


Mundial 82, Valence, 20 juin, Espagne-Yougoslavie. Deuxième match du premier tour pour l'Espagne, pays organisateur. Auteurs d’un pénible 1-1  face au Honduras pour leur entrée dans la compétition, les Ibères n’ont déjà plus le choix: pour être sûrs de passer et ne pas devenir la première équipe organisatrice incapable d’accéder au second tour d'une Coupe du monde, les coéquipiers de Zamora doivent battre la Yougoslavie. 

Monsieur Lund-Sorensen a pris sa décision
L’Espagne retient son souffle et boit du Bitter Kas mais se fait grignoter le Serrano par Sljivo, Surjak et autres artistes associés dont le nom finit en "ić". Le défenseur Gudelj ouvre le score dès la dixième minute. La paëlla semble cuite pour les hommes du sélectionneur Santamaria. 

Heureusement pour elle, l’arbitre Danois, M. Lund-Sorensen à l’œil alerte mais pas à Malibu parce que c'est pas vraiment dans la région. Quatre minutes après l’ouverture du score, Zajec fauche Alonso cinquante bons centimètres avant la surface de réparation... Penalty ! Sans scrupule, Lopez Ufarte s’avance pour rétablir l’égalité.

Son pied gauche, pourtant réputé, dévisse. Un bon mètre à côté. Qu’à cela ne tienne, on va le retirer. Dragan Pantelic, le portier Yougo, a beau lever les bras au ciel et ricaner devant l’entourloupe, il est jugé coupable d’avoir bougé avant que le tireur espagnol ne touche le ballon. Juanito prend la relève de son coéquipier, retire le penalty et le transforme. Enfin.

La suite tient du miracle. Fidèles à leurs principes, les Yougos régalent avec un football collectif et très technique. Il faut un grand Arconada (178 cm) et beaucoup de déveine pour que les tentatives de Susic et Vujovic ne traduisent la supériorité des leurs au tableau d'affichage. Surmotivés à défaut d’être brillants, les Espagnols arrachent même la victoire sur un coup de billard conclu par Saura à la 66e.


Les «Slaves du sud» peuvent préparer leurs valises, ce seront eux les éliminés du premier tour. Et l'Espagne dégagera dès le second tour sous les coups de castagnettes de la RFA et de l'Angleterre. Bien mal acquis ne profite jamais, comme disait l'autre.



vendredi 13 janvier 2012

PREMIER TANGO A BUENOS AIRES

L’ascension et le déclin d’un ballon en cuir de vache qui durant près d’une décennie passa sous les crampons de tous les footballeurs du monde, de France et de Navarre.


Dur comme de la brique, mais technique

Ce n’est pas une salsa, ni un mambo ; encore moins un jerk ou une polka que dansent les Kempes, Bettega, Ardiles, Lato, Rensenbrink et autres vedettes de la 12e coupe du monde du ballon rond. Non, le pas à la mode en ce début d’hiver austral 1978, c’est le Tango. « Tango », c’est ainsi que les responsables du service marketing de chez Adidas ont baptisé le ballon officiel du mondial qui se déroule (attention ! subtilité "géoculturelle") en Argentine. Pendant huit ans, ce modèle (puis ses dérivés) va régner sans partage sur la planète football.

Le Tango est beau, avec ses triades noires dessinées sur les 32 panneaux blancs de la sphère qui créent l’illusion d’un assemblage de cercles. Le Tango est lourd, dur, difficile à dompter. Son succès est total, des écoles de foot aux clubs pros. Les joueurs l’adorent. Ils lui donnent de l’effet, le taclent ou shootent dedans; c’est une marque d’affection en quelque sorte. Le Tango est en cuir de vache (100% meuh).

Mais l’heure de la retraite sonne pour le Tango en 1986. À l’aube du rendez-vous mondial Mexicain au Mexique, la firme allemande lance l’Azteca, premier ballon entièrement synthétique censé gommer les défauts de résistance et d’imperméabilité de son prédécesseur. C’est le début d’un lent mais inexorable déclin. Les ballons seront désormais légers, bariolées et maquillés par des « créatifs » au goût douteux (Granola, Pépito, Monsieur de Fursac, etc..). Leurs trajectoires capricieuses - il parait que c’est bon pour le spectacle – ne feront plus jamais l’unanimité et leur espérance de vie ne dépassera plus celle d’un hamster russe.

Toutes les nouvelles potentialités offertes par le ballon Tango illustrées par un résumé (ci-dessus) de la 2nde mi-temps de Pologne – Pérou, match du deuxième tour de la coupe du monde 78 !



lundi 2 janvier 2012

DER KAISER FRANZ

Un grand calme au buste droit et à la technique impeccable a révolutionné le poste de libéro: Franz Anton Beckenbauer.


Aux brutes épaisses qui faisaient office de dernier rempart jusqu’à son avènement, il a appris que l’on pouvait ne pas se contenter de défendre en bourrin. Sa technique sûre et sobre, capable d’un coup de patte d’éliminer une demi-douzaine d’adversaires afin de placer ses camarades du secteur offensif dans les meilleures dispositions, a révolutionné le rôle de libéro. Avec lui, le dernier défenseur ne se contente plus d’écoper, il participe au jeu. Comme une sorte de « numéro 10 » de l’arrière.

Après sa carrière, il n'est pas devenu agent conseiller
du centre communal d'action sociale de Munich.

Le buste droit, le regard au loin, il éclaire le jeu avec calme et précision. Ses ouvertures, surtout celles signées de l’extérieur du pied droit, sont un régal pour les amateurs de géométrie. Non content de relancer proprement, Beckenbauer vient fréquemment s’intercaler au milieu de terrain. Il sert alors d’agent de transmission principal à la circulation de balle sur les premières relances. Ou va porter le surnombre en perforant les défenses, soit par des dribbles « minimalistes », soit en sollicitant un « une-deux » avec un coéquipier. S’il poursuit l’action jusqu’au bout, il peut même faire parler sa frappe sèche et rugueuse aux 25-30 mètres ou décaler un attaquant mieux placé.



Mais au-delà de sa science du jeu, c’est sa rage de vaincre, son influence sur ses coéquipiers et son mental en acier trempé – que subliment les images de l’épique demi-finale contre l’Italie en 70, qu’il fut contraint de terminer blessé, le bras en écharpe – qui lui vaudront le doux surnom de « Kaiser ». Franz, c’est un capitaine valeureux, irréprochable, extrêmement doué mais dévoué à l’équipe avant tout. Les footballeurs virtuoses sont pléthore. Ceux qui, par leur seule présence, permettent à leurs coéquipiers de se sublimer en toutes circonstances sont beaucoup plus rares. Der Kaiser Franz était de cette trempe.