Chroniques du jeu, des joueurs et des matches d’avant.

Pour une esthétique éternelle du football, de ses enjeux, de ses libéros et de ses 5-3-2.

mardi 24 janvier 2012

L’ENTOURLOUPE


A domicile, pour « son » mondial, l’Espagne évite l’humiliation suprême en remportant une victoire capillotractée face à de maudits Yougoslaves…


Mundial 82, Valence, 20 juin, Espagne-Yougoslavie. Deuxième match du premier tour pour l'Espagne, pays organisateur. Auteurs d’un pénible 1-1  face au Honduras pour leur entrée dans la compétition, les Ibères n’ont déjà plus le choix: pour être sûrs de passer et ne pas devenir la première équipe organisatrice incapable d’accéder au second tour d'une Coupe du monde, les coéquipiers de Zamora doivent battre la Yougoslavie. 

Monsieur Lund-Sorensen a pris sa décision
L’Espagne retient son souffle et boit du Bitter Kas mais se fait grignoter le Serrano par Sljivo, Surjak et autres artistes associés dont le nom finit en "ić". Le défenseur Gudelj ouvre le score dès la dixième minute. La paëlla semble cuite pour les hommes du sélectionneur Santamaria. 

Heureusement pour elle, l’arbitre Danois, M. Lund-Sorensen à l’œil alerte mais pas à Malibu parce que c'est pas vraiment dans la région. Quatre minutes après l’ouverture du score, Zajec fauche Alonso cinquante bons centimètres avant la surface de réparation... Penalty ! Sans scrupule, Lopez Ufarte s’avance pour rétablir l’égalité.

Son pied gauche, pourtant réputé, dévisse. Un bon mètre à côté. Qu’à cela ne tienne, on va le retirer. Dragan Pantelic, le portier Yougo, a beau lever les bras au ciel et ricaner devant l’entourloupe, il est jugé coupable d’avoir bougé avant que le tireur espagnol ne touche le ballon. Juanito prend la relève de son coéquipier, retire le penalty et le transforme. Enfin.

La suite tient du miracle. Fidèles à leurs principes, les Yougos régalent avec un football collectif et très technique. Il faut un grand Arconada (178 cm) et beaucoup de déveine pour que les tentatives de Susic et Vujovic ne traduisent la supériorité des leurs au tableau d'affichage. Surmotivés à défaut d’être brillants, les Espagnols arrachent même la victoire sur un coup de billard conclu par Saura à la 66e.


Les «Slaves du sud» peuvent préparer leurs valises, ce seront eux les éliminés du premier tour. Et l'Espagne dégagera dès le second tour sous les coups de castagnettes de la RFA et de l'Angleterre. Bien mal acquis ne profite jamais, comme disait l'autre.



vendredi 13 janvier 2012

PREMIER TANGO A BUENOS AIRES

L’ascension et le déclin d’un ballon en cuir de vache qui durant près d’une décennie passa sous les crampons de tous les footballeurs du monde, de France et de Navarre.


Dur comme de la brique, mais technique

Ce n’est pas une salsa, ni un mambo ; encore moins un jerk ou une polka que dansent les Kempes, Bettega, Ardiles, Lato, Rensenbrink et autres vedettes de la 12e coupe du monde du ballon rond. Non, le pas à la mode en ce début d’hiver austral 1978, c’est le Tango. « Tango », c’est ainsi que les responsables du service marketing de chez Adidas ont baptisé le ballon officiel du mondial qui se déroule (attention ! subtilité "géoculturelle") en Argentine. Pendant huit ans, ce modèle (puis ses dérivés) va régner sans partage sur la planète football.

Le Tango est beau, avec ses triades noires dessinées sur les 32 panneaux blancs de la sphère qui créent l’illusion d’un assemblage de cercles. Le Tango est lourd, dur, difficile à dompter. Son succès est total, des écoles de foot aux clubs pros. Les joueurs l’adorent. Ils lui donnent de l’effet, le taclent ou shootent dedans; c’est une marque d’affection en quelque sorte. Le Tango est en cuir de vache (100% meuh).

Mais l’heure de la retraite sonne pour le Tango en 1986. À l’aube du rendez-vous mondial Mexicain au Mexique, la firme allemande lance l’Azteca, premier ballon entièrement synthétique censé gommer les défauts de résistance et d’imperméabilité de son prédécesseur. C’est le début d’un lent mais inexorable déclin. Les ballons seront désormais légers, bariolées et maquillés par des « créatifs » au goût douteux (Granola, Pépito, Monsieur de Fursac, etc..). Leurs trajectoires capricieuses - il parait que c’est bon pour le spectacle – ne feront plus jamais l’unanimité et leur espérance de vie ne dépassera plus celle d’un hamster russe.

Toutes les nouvelles potentialités offertes par le ballon Tango illustrées par un résumé (ci-dessus) de la 2nde mi-temps de Pologne – Pérou, match du deuxième tour de la coupe du monde 78 !



lundi 2 janvier 2012

DER KAISER FRANZ

Un grand calme au buste droit et à la technique impeccable a révolutionné le poste de libéro: Franz Anton Beckenbauer.


Aux brutes épaisses qui faisaient office de dernier rempart jusqu’à son avènement, il a appris que l’on pouvait ne pas se contenter de défendre en bourrin. Sa technique sûre et sobre, capable d’un coup de patte d’éliminer une demi-douzaine d’adversaires afin de placer ses camarades du secteur offensif dans les meilleures dispositions, a révolutionné le rôle de libéro. Avec lui, le dernier défenseur ne se contente plus d’écoper, il participe au jeu. Comme une sorte de « numéro 10 » de l’arrière.

Après sa carrière, il n'est pas devenu agent conseiller
du centre communal d'action sociale de Munich.

Le buste droit, le regard au loin, il éclaire le jeu avec calme et précision. Ses ouvertures, surtout celles signées de l’extérieur du pied droit, sont un régal pour les amateurs de géométrie. Non content de relancer proprement, Beckenbauer vient fréquemment s’intercaler au milieu de terrain. Il sert alors d’agent de transmission principal à la circulation de balle sur les premières relances. Ou va porter le surnombre en perforant les défenses, soit par des dribbles « minimalistes », soit en sollicitant un « une-deux » avec un coéquipier. S’il poursuit l’action jusqu’au bout, il peut même faire parler sa frappe sèche et rugueuse aux 25-30 mètres ou décaler un attaquant mieux placé.



Mais au-delà de sa science du jeu, c’est sa rage de vaincre, son influence sur ses coéquipiers et son mental en acier trempé – que subliment les images de l’épique demi-finale contre l’Italie en 70, qu’il fut contraint de terminer blessé, le bras en écharpe – qui lui vaudront le doux surnom de « Kaiser ». Franz, c’est un capitaine valeureux, irréprochable, extrêmement doué mais dévoué à l’équipe avant tout. Les footballeurs virtuoses sont pléthore. Ceux qui, par leur seule présence, permettent à leurs coéquipiers de se sublimer en toutes circonstances sont beaucoup plus rares. Der Kaiser Franz était de cette trempe.