Chroniques du jeu, des joueurs et des matches d’avant.

Pour une esthétique éternelle du football, de ses enjeux, de ses libéros et de ses 5-3-2.

vendredi 19 avril 2013

NEW YORK COSMOS : LE SOCCER SUR ORBITE

Le sport le plus populaire du monde n’a jamais vraiment pris aux Etats-Unis. Pourtant, au cœur des années 70, certains ont essayé. Comme le frères Ertegün, Ahmet et Nesuhi, immigrés turcs, producteurs de rhythm’n’blues à succès, qui ont fait fortune grâce à leur label, Atlantic Records. Racheté quelques années auparavant par la Warner, ils menacent de rompre le contrat qui les lie. La direction de la multinationale, pour les garder, leur laisse carte blanche et budget illimité pour assouvir leur passion première: le football.

22, v'là Franz et ses pom-pom girls
Le premier club de football professionnel new yorkais voit ainsi le jour au début de l’année 1971. Il prend part au championnat nord-américain fraîchement créé dans le but de promouvoir ce sport sur le Nouveau Continent. Le Cosmos affiche ses ambitions : rassembler des joueurs de toutes nationalités auxquels la population bigarrée de la Grosse Pomme peut s’identifier. Dès sa deuxième saison, le Cosmos remporte la NASL (North American Soccer League), qui ne compte que huit équipes. Mais la Warner, qui s'est prise au jeu, en veut plus : plus de spectacle, plus de divertissement, plus de superstars.

En quête d'une "dream team"

Lors de sa troisième saison, le Cosmos maintient son niveau sportif, mais les affluences sont décevantes. Moins de 5.000 spectateurs de moyenne par match sur tout le territoire… Pour booster la franchise, le club entend enrôler Pelé, un trésor national que la junte militaire brésilienne est jusque-là toujours parvenue à garder au pays malgré les offres des grands clubs européens. Pelé n'a jamais joué pour quiconque autre club que son FC Santos de coeur, avec qui il a tout gagné. Agé de 35 ans, le triple-champion du monde accepte le contrat en or des dirigeants new yorkais - 5 millions de dollars sur trois ans.

Avec dans ses rangs le joueur le plus doué de tous les temps, le Cosmos change de statut. Il devient une curiosité planétaire. Le premier match de Pelé en NASL est diffusé en direct dans 22 pays. Arrivé en juin 1975, sa présence permet de tripler les affluences dans les stades en une demi-saison ! L’effet « Pelé » fait un carton aux States.

Il fallait avoir l'idée - mais surtout les moyens - d'associer ces deux-là


Saison 1977: les résultats sont en dents de scie malgré le renfort de Chinaglia, caractériel attaquant romain qui martyrise les défenses adverses. Pour remédier aux lacunes défensives de l’équipe, les frères Ertegün débauchent Beckenbauer et Carlos Alberto. Soit les deux derniers capitaines en date à avoir brandi la coupe du monde… Avec dans ses rangs des joueurs anglais, péruviens, yougoslaves, brésiliens, allemands, italiens et bien sûr américains, le Cosmos est alors enfin « l’internationale » du football qu'il s'était promis de devenir.

Une maison de pré-retraite ouverte au « showbiz »

D’autres joueurs de classe mondiale s’engagent en NASL : Johan Cruyff, George Best, Gordon Banks, Bobby Moore, Eusebio et Gerd Muller pour ne citer que les meilleurs. Avec le Cosmos en tête de gondole, le championnat américain de soccer atteint son âge d’or. Entre 1977 et 1982, New York remporte quatre nouveaux titres. Les joueurs sont adulés, au même titre que des stars de la musique ou du cinéma. Les joueurs s’habituent aux bains de foule et ne disent pas non à un petit « after » en boite. Les VIP que les joueurs côtoient dans leurs folies nocturnes sont à leur tour invités au stade. Barbra Streisand, Phil Collins, Robert Redford, Muhammad Ali, Quincy Jones, Andy Warhol ou Steven Spielberg prennent leurs quartiers dans les loges du prestigieux Giants Stadium dont les vestiaires deviennent le dernier endroit à la mode.

Bientôt, le déclin s’amorce. Pelé s’en va sur un dernier titre, Beckenbauer retourne en Allemagne. Et le public se lasse aussi promptement qu’il s’était enthousiasmé. En 1980, les affluences reviennent à leur niveau d’avant l’arrivée de Pelé. Le rêve du Cosmos s’estompe au crépuscule des seventies, comme si ces images qui fleurent bon la rouflaquette et les films au format Super 8 n’avaient plus leur place à l'aune de la nouvelle décennie.

Beckenbauer, Pelé et Chinaglia: l'équipe de rêve du New York des seventies



Le Cosmos vivotera jusqu’en 1984, date de la dissolution de la NASL. Mais pour toujours, il laissera une trace indélébile dans l’histoire du football et du sport. Il a en quelque sorte montré la voie aux grands clubs européens qui, depuis 1995, bâtissent des équipes « all stars » en vendant à son public un spectacle familial dans des enceintes stylisées et confortables. Les matches disputés au Giants Stadium, fleuron des stades américains alliant gigantisme, polyvalence et fonctionnalités ultra-modernes, offrent des images d’archives au pouvoir de séduction immédiat. Dans le sillage du Cosmos, c’est toute une politique basée sur l’outrance financière et le show-business à gogo qui conduisit la NASL à sa perte. Trop en avance sur son temps, le Cosmos « bling bling » paiera ses erreurs et entraînera tout le championnat dans sa chute.