Chroniques du jeu, des joueurs et des matches d’avant.

Pour une esthétique éternelle du football, de ses enjeux, de ses libéros et de ses 5-3-2.

vendredi 23 mars 2012

LE « CONTRENACCIO »


Sans maîtrise la puissance n’est rien. Ainsi soit-il. De même, sans capacité à ressortir les ballons afin de les bonifier ostensiblement, jouer serrer en défense est une stratégie indue. C’est ni fait ni à faire, comme dirait l'autre.


"Azur ! nos bêtes sont bondées d'un cri !
Je m'éveille, songeant au fruit noir de l'Anibe
dans sa cupule verruqueuse et tronquée..."
(Saint-John Perse)
Bref, tout ça pour en venir à la bande à Cabrini et Tardelli millésime 1982, peut-être la plus belle équipe de contre de tous les temps. Derrière, c’est costaud, avec deux préposés aux tâches ingrates (marquer Maradona à la culotte, tirer le maillot de Zico, faire des croche-pieds à Boniek, réchauffer les panini à la mi-temps) : Collovati et le faux-ami Gentile. Derrière cette double lame triple effet, un autre duo s’assure qu’aucun sédiment n’a pu échapper aux crampons aiguisés des deux vigies sus-nommées : l’élégant libero Gaetano Scirea (RIP), et le gardien quadragénaire pépère de presque deux mètres, Dino Zoff.

Cette hétérogène ligne défensive résume bien les qualités de cette formation capable de passer du 532 au 343 en cours de match en fonction des circonstances : un astucieux mélange de classe seventies très Dolce Vita- Cinecittà -Michelangelo Antonioni (qui renvoie à son quasi-homonyme, le tetraquista Giancarlo Antognoni, perle de la « Fio » et meneur de jeu par intermittence de la Squadra) et de rugosité maligne typiquement transalpine – la commedia dell’arte, le scandale des matches truqués et tutti Chianti.


Au milieu, le travailleur Tardelli – prototype avant avant-gardiste du « relayeur » moderne, aussi efficace à 10 qu’à 90 mètres de la ligne de fond - montre ses protubérantes veines à la terre entière après son mythique but en finale. L’ancien Causio et le discret Oriali colmatent les brèches. Côté gauche, Cabrini (meilleur jeune du Mundial Argentin en 1978) est un latéral très offensif qui combine souvent avec le fuoriclasse. Bruno Conti, idole romanista dont les crochets dévastateurs font la fortune des kinés espagnols de l’été 82.

On voit bien que cette équipe est prête à tout pour l'emporter.

Alors certes, pour en revenir à l’axiome initial, une équipe de contre n’est rien sans un milieu bonificateur de ballons, mais encore faut-il, devant un « killer » capable de concrétiser sans le moindre état d’âme la moindre occasion qui traine par là (ou par là).

Et c’est à ce moment précis qu’entre en scène le buteur de légende, le damné en quête de rédemption, le Toto Schilacci du riche, le Vivaldi du calcio : Paolo Rossi. Zéro match officiel depuis deux ans (cf Totonero), zéro but lors des cinq premiers matches de la compétition (rappelons qu’il s’agit d’un mondial et pas d’un tournoi de sixte) et patatras, six goals lors des trois derniers matches, demi et finale inclus. Un boulet de canon, un frisson irrationnel, un fatras cosmique, une conjonction astrale en forme d’énigme, une sorte de Champolion du ballon rond.


Voilà pour le contenant. Concernant le contenu, observons au microscope le résumé de la confrontation face à l’Argentine qui marque le véritable réveil des hommes de Bearzot après trois nuls peu glorieux au premier tour. La leçon de football de contre-attaque en vingt-quatre images à la seconde :


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