Sans maîtrise la puissance n’est rien. Ainsi soit-il. De même, sans capacité à ressortir les ballons afin de les bonifier ostensiblement, jouer serrer en défense est une stratégie indue. C’est ni fait ni à faire, comme dirait l'autre.
"Azur ! nos bêtes sont bondées d'un cri ! Je m'éveille, songeant au fruit noir de l'Anibe dans sa cupule verruqueuse et tronquée..." (Saint-John Perse) |
Bref, tout ça pour en venir
à la bande à Cabrini et Tardelli millésime 1982, peut-être la plus belle équipe
de contre de tous les temps. Derrière, c’est costaud, avec deux préposés aux
tâches ingrates (marquer Maradona à la culotte, tirer le maillot de Zico, faire
des croche-pieds à Boniek, réchauffer les panini à la mi-temps) :
Collovati et le faux-ami Gentile. Derrière cette double lame triple effet, un
autre duo s’assure qu’aucun sédiment n’a pu échapper aux crampons aiguisés des
deux vigies sus-nommées : l’élégant libero Gaetano Scirea (RIP), et le
gardien quadragénaire pépère de presque deux mètres, Dino Zoff.
Cette hétérogène ligne
défensive résume bien les qualités de cette formation capable de passer du 532
au 343 en cours de match en fonction des circonstances : un astucieux
mélange de classe seventies très Dolce Vita- Cinecittà -Michelangelo Antonioni
(qui renvoie à son quasi-homonyme, le tetraquista Giancarlo Antognoni, perle de
la « Fio » et meneur de jeu par intermittence de la Squadra) et de
rugosité maligne typiquement transalpine – la commedia dell’arte, le scandale
des matches truqués et tutti Chianti.
Au milieu, le travailleur Tardelli – prototype avant avant-gardiste du « relayeur » moderne, aussi efficace à 10 qu’à 90 mètres de la ligne de fond - montre ses protubérantes veines à la terre entière après son mythique but en finale. L’ancien Causio et le discret Oriali colmatent les brèches. Côté gauche, Cabrini (meilleur jeune du Mundial Argentin en 1978) est un latéral très offensif qui combine souvent avec le fuoriclasse. Bruno Conti, idole romanista dont les crochets dévastateurs font la fortune des kinés espagnols de l’été 82.
Alors certes, pour en
revenir à l’axiome initial, une équipe de contre n’est rien sans un milieu
bonificateur de ballons, mais encore faut-il, devant un « killer »
capable de concrétiser sans le moindre état d’âme la moindre occasion qui
traine par là (ou par là).
Et c’est à ce moment précis
qu’entre en scène le buteur de légende, le damné en quête de rédemption, le
Toto Schilacci du riche, le Vivaldi du calcio : Paolo Rossi. Zéro match
officiel depuis deux ans (cf Totonero), zéro but lors des cinq premiers matches
de la compétition (rappelons qu’il s’agit d’un mondial et pas d’un tournoi de
sixte) et patatras, six goals lors des trois derniers matches, demi et finale
inclus. Un boulet de canon, un frisson irrationnel, un fatras cosmique, une
conjonction astrale en forme d’énigme, une sorte de Champolion du ballon rond.
Voilà pour le contenant.
Concernant le contenu, observons au microscope le résumé de la confrontation
face à l’Argentine qui marque le véritable réveil des hommes de Bearzot après
trois nuls peu glorieux au premier tour. La leçon de football de contre-attaque
en vingt-quatre images à la seconde :
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