France-Belgique (3-2), match qualificatif pour la coupe du monde 1982
Le 29 avril 1981, la France reçoit la Belgique dans un match couperet qualificatif pour la coupe du monde en Espagne. Les Belges, vice-champions d'Europe, sont invaincus et en position très favorable dans la poule 2. Côté bleu c'est l'hécatombe : Specht, Battiston, Larios, Lacombe et surtout Platini (pubalgie) sont absents. Comment Michel Hidalgo va-t-il gérer l'absence de son stratège et meilleur joueur ?
Un mois
auparavant, à Rotterdam, il n'avait pas su résoudre l'équation et
la France s'était inclinée. Ce résultat avait fragilisé sa
position dans un groupe relevé qui compte aussi l'excellente équipe
d'Irlande. Pour ne pas déroger à ses principes, le sélectionneur
français aligne un traditionnel 4-3-3. Exit toutefois le jeune Alain
Moizan qui n'a pas convaincu aux Pays-Bas. Il opte pour un trio de
milieux polyvalents, tous les trois attirés par l'attaque :
Tigana, Giresse et Genghini.
Jeu en mouvement et « petits formats »
C'est la
première titularisation du jeune sochalien qui porte élégamment le
n°10 laissé vacant par l'idole de Nancy et Saint-Etienne. Devant,
il mise sur le retour en forme du rapide et agile Gérard
Soler, qui avait disparu des radars depuis 3 ans pour
remplacer numériquement Lacombe. En défense, ce sont Janvion
(très dynamique sur son flanc droit) et Lopez (en difficulté
face à Vandenbergh) qui complètent les inamovibles Bossis et
Trésor. Dropsy, malgré sa bourde de Rotterdam (il
marque du dos contre con camp), est confirmé.
Soler a beaucoup permuté avec Six, il marque d'ailleurs ses deux buts du côté gauche |
Après
un début de match hésitant face à des Belges sûrs de leurs forces
et qui ouvrent rapidement la marque (Vandenbergh idéalement lancé
par Vercauteren, 5e), la mayonnaise prend. La configuration « petite
taille » des milieux et ailiers bleus donne le tournis aux
visiteurs. Giresse, Tigana, Six (tantôt virevoltant, tantôt
agaçant, comme à son habitude) et Soler redoublent les passes et
combinent merveilleusement. Les deux ailiers multiplient appels et
contre-appels. Tigana ratisse au milieu, profitant de
l'apathie du vétéran Van Moer (36 ans) et se projette rapidement
vers l'avant. Giresse, toujours bien placé joue dans le bon
tempo.
Devant,
c'est Dominique Rocheteau qui occupe l'axe. Plutôt habitué à
jouer sur l'aile chez les Bleus, il se voit offrir l'occasion de
faire ses preuves en tant que centre-avant, poste qu'il occupe
désormais en club depuis son arrivée au Paris-Saint-Germain cette
saison. En verve, l'Ange Vert se dépense beaucoup : il
décroche, joue les une-deux et fait valoir son grand sens du jeu
collectif. Mobile, il multiplie les appels et fait beaucoup souffrir
l'inamovible charnière belge Meeuws-Millecamps. Ce dernier, touché
à la cuisse, doit céder rapidement la place au jeune Michel De Wolf
qui, malgré son aggressivité, ne parviendra jamais à prendre la
mesure de l'attaquant bleu.
Vers l'avènement du « carré magique »
Trois
buts inspirés ponctuent une première mi-temps de haute-volée
(3-1). Etouffé, le milieu de terrain belge (dans lequel domine René
Vandereycken, plaque tournante du RSC Anderlecht) ne trouvera
l'ouverture qu'une seule fois après la pause par son jeune et
prometteur attaquant, Jan Cueulemans, révélation du dernier Euro en
Italie (score final 3-2).
Après
la rencontre se pose LA question : cette équipe a-t-elle
vraiment besoin de Michel Platini ? L'absence de la star
tricolore ne fait-elle pas plus de bien que de mal à cette escouade
au style de jeu instinctif et enlevé ? Et si la présence du 10
stéphanois – à qui l'on pourrait reprocher de trop garder le
ballon dans les pieds - bridait les élans créatifs des Tigana,
Giresse et autres Rocheteau ? Le football de mouvement voulu par
Michel Hidalgo – qui en ce sens s'inspire de la révolution
« orange » des années 1970 – n'est-il pas plus
efficace dans cette configuration qui permet d'allier pressing
dynamique, jeu vers l'avant et permutations incessantes forgeant
ainsi l'identité d'une équipe à l'avenir prometteur ?
Le
retour en grâce du fils prodigue à l'automne offrira une réponse
sans équivoque : non, la France ne peut pas se passer de son
meilleur joueur. Mais les expérimentations de ce printemps 1981 vont
laisser des traces : Hidalgo sent que l'on peut désormais jouer
avec deux, voire trois milieux créatifs (Giresse, Genghini et donc
Platini) en simultané. Cette génération formidable de meneurs de
jeu amènera le romantico-pragmatique sélectionneur à ajouter une
nuvelle pièce au puzzle en les faisant jouer ensemble au sein du
fameux « carré magique » qui, de son avènement
au cœur d'un torride été espagnol, jusqu'à l'hallali mexicaine de
1986 marquera de son empreinte toute une époque.
La feuille de match
La feuille de match
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