REAL MADRID – MILAN AC 1989 (1-1)
Ce n'est
pas une équipe arc-boutée en défense qui se présente en ce
printemps européen disputer le math aller de la demi-finale de la
Coupe des Clubs Champions à Bernabeu. Ce n'est pas non plus une
formation outrageusement dominatrice et monopolisant la balle de la
première à la dernière minute qui se présente face à la terrible
Quinta Del Buitre. C'est autre chose qui va se dérouler ce soir
d'avril 1989 dans la capitale espagnole. Aux yeux de l'Europe
entière, le Milan AC va frapper un grand coup. Pas le plus
spectaculaire, pas le plus héroïque, mais un immense coup tactique.
En l'absence de Costacurta, Rijkaard est descend d'un cran épauler Baresi en défense centrale. Donadoni a coulissé pour prendre la place, inhabituelle pour lui, de milieu central. |
C'est en
effet dans occupation du terrain que l'équipe du président
Berlusconi bouscule les traditions. Les Rouge et Noir jouent haut,
loin de leurs cages, avec des intentions offensives. Pour la première
fois, une équipe italienne se déplace chez un grand d'Europe sans
laisser volontairement la balle à l'adversaire pour mieux
contre-attaquer. Au contraire, durant 90 minutes, le digne
représentant du calcio joue toutes ailes déployées dans son 4-4-2
maison : les attaques sont tranchantes, vives, en première
intention. La récupération est haute, elle fait suite à un
pressing intense qui étouffe le milieu adverse composé de Schuster,
Michel et Martin Vasquez (excusez du peu!). La « zone press »
du coach italien fait merveille.
Le
pressing imprimé par Arrigo Sacchi élève l'exercice au rang d'art.
Les joueurs coulissent formidablement, compensent les déplacements
les uns des autres, comme dans un ballet orchestré par le capitaine
Franco Baresi. L'ensemble ne laisse aucun répit à l'adversaire,
champion d'Espagne et récent double vainqueur de la coupe UEFA (85
et 86) fut-il. Au centre du terrain, Ancelotti est le métronome, la
sentinelle, infatigable ratisseur aussi bien cinquième défenseur
que premier attaquant. Devant, Gullit décroche souvent pour soutenir
ses milieux, tandis que Van Basten assure dans le rôle qu'on lui
connaît de buteur-remiseur tellement classe qu'on a l'impression
qu'il joue en costume trois-pièces.
Leurs
pauvres adversaires font peine à voir en comparaison. Averti du
danger rouge et noir, l’entraîneur de la Maison Blanche, Léo
Beenhakker, a mis au point une parade : le bloc joue bas,
regroupé autour de deux stoppeurs et d'une libéro, le beau Gallego
et son numéro 10 dans le dos. À lui de trouver, par de longs
ballons, les flèches Hugo Sanchez et Butragueno en première
intention, ou alors, indirectement en passant par les latéraux
Gordillo et Chendo. Football fruste comparé à l'iconoclaste
démonstration lombarde faite de redoublements à ras de terre,
d'appels subtils, de longues transversales précises et d'un
engagement de tous les instants.
Il Capitano Franco Baresi |
Un
engagement physique qui ne se confond pourtant pas avec la
précipitation ou la brutalité. Jamais les coéquipiers du soyeux
Donadoni ne varient dans leurs intentions : aller chercher le
ballon haut, le plus près des cages adverses, puis combiner
rapidement pour toucher les attaquants le plus rapidement possible –
afin de ne pas leur laisser le loisir de se replier et de se
réorganiser défensivement. Même après l'ouverture du score des
locaux (joli ciseau du Mexicain Sanchez, juste avant la mi-temps),
ils ne perdront pas les pédales. Pas même après l'égalisation –
injustement – refusée à Gullit après l'heure de jeu – suite à
une flamboyante percée du « libero grande », Franco
Baresi.
L'égalisation,
mille fois méritée, survient finalement sur un exploit technique de
Van Basten qui reprend de la tête, à vingt mètres, un centre de
Tassoti un peu court. À 1-1, les Merengue se disent alors sans doute
qu'ils ne font pas une si mauvaise opération que ça au vu du
déroulé du match. Mais l'Histoire est en marche, avec un grand, un
immense « H ». Ce Milan éclabousse l'Europe et il n'y
aura aucun public hostile, ni aucun arbitrage moyen pur se mettre en
travers de leur chemin quinze jours plus tard à San Siro (5-0), au
cours d'une rencontre qui marquera durablement l'histoire pourtant
déjà riche des coupes d'Europe de clubs.
Le match en intégralité ici:
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