Les équipes qui réalisent de gros scores lors des matches de poule en coupe du Monde sont souvent décevantes lors de la suite de la compétition. À quelques exceptions près…
En 82, ce sont les Anglais
qui tirent les premiers (3-1) contre la France. La Hongrie enregistre de son
côté le plus gros score de l’histoire de la World Cup face aux naïfs Salvadoriens
(10-1). Les coéquipiers de Kevin Keegan (blessé) seront stoppés nets au second
tour par l’Allemagne et l’Espagne, tandis que les Magyars ne passeront même pas
le premier tour. De son côté, le Brésil déroule et applique le tarif
« maison », soit 4 buts à la fragile Nouvelle-Zélande et à la grande
équipe d’Ecosse emmenée par Graeme Souness. La frayeur initiale contre l’URSS
(2-1) a été vite balayée par l’équipe de Telé Santana qui survole la
compétition et marque trois autres buts qui éliminent l’Argentine, championne du
monde en titre, au second tour. Socrates et ses copains déploient l’un des jeux
les plus spectaculaires et inventifs de tous les temps. Mais voilà que
l’Italie, laborieuse au premier tour (3 nuls), se dresse sur le chemin des
Auriverde, promis à la demi-finale en cas de nul. La suite est connue : Paolo
Rossi choisit ce jour pour ressusciter, inscrire trois buts de renard, et punir
des Brésiliens coupables d’être trop joueurs.
Falcao, le vrai, celui du Brésil 82 |
En 86, la « Danish Dynamite »
explose tout sur son passage dans le « groupe de la mort » : Allemagne
(2-0), Ecosse (1-0) et Uruguay (6-1), avec un impressionnant Michael Laudrup à
la baguette. De son côté, l’URSS balaie la Hongrie (6-0) et tient en respect
les Bleus, champions d’Europe en titre (1-1). Ce sont les deux épouvantails du
premier tour. Personne ne doute qu’on tient parmi ces deux équipes, qui doivent
se retrouver en quart, un finaliste en puissance. Or, le second tour révèle une
vérité différente : le Danemark de Jesper Olsen et Elkjaer est écrabouillé
par une Espagne réaliste (5-1) qui a haussé son niveau de jeu après un premier
tour quelconque. Quant à la Belgique, qualifiée de justesse après une défaite
contre le Mexique et un nul contre le Paraguay, élimine les Soviétiques à la
surprise générale (4-3 a .p.).
Acrobaties, chaussettes baissées et maillot Hummel : le Danemark de Sören Lerby éclabousse le début de compétition en 86 |
En 90, changement de
scénario : l’équipe qui démarre le mieux la compète parvient à tenir le rythme.
La Yougoslavie et les Emirats Arabes Unis encaissent 9 buts face à la machine
teutonne huilée par un Lothar Matthäus au sommet de son art. La Mannschaft
réunifiée gobe successivement la Hollande, la Tchécoslovaquie (l’autre équipe
qui avait cartonné en début de compète), l’Angleterre puis l’Argentine en
finale. Les coéquipiers de Maradona qui avaient débuté par une défaite (contre
le Cameroun) avant de réaliser un parcours héroïque éliminant les rivaux
Brésiliens, les yougoslaves pas encore désunis, puis les Italiens à Naples à l'issue d'un match tragique…
Le parcours de l’Argentine
en 94 rappelle les précédents de 86 : 4-0 contre la Grèce, 2-1 contre le Nigéria.
Avec un Diego affuté à la baguette entouré d’une génération prometteuse
(Redondo, Batistuta, Sensini), on pense tenir un finaliste potentiel avec cette
équipe qui développe un jeu spectaculaire. Hélas, la perte de leur capitaine
charismatique, pris la main dans le sac au contrôle anti-doping, leur coupe les
jambes. La suite est pathétique : défaite contre la Bulgarie lors du
dernier match de poule puis élimination définitive par la Roumanie en 1/8e…
Fernando Redondo, symbole du gâchis argentin des années 90 |
En 98, l’armada argentine
refait le coup du départ canon en balayant Japon, Jamaique et Croatie sans
encaisser de buts (7 marqués), et avec un nouveau petit génie aux manettes
(Ariel Ortega). La qualification aux tirs aux buts lors d’un 1/8e de finale
mémorable à Saint-Etienne contre l’Angleterre confirme que Zanetti and co. sont
dans le coup. Pourtant, ils butent en quart sur des Néerlandais emmenés par le
magique Bergkamp, alors que le premier tour des Oranje avait été plus que
moyen (nuls contre la Belgique et le Mexique).
Lors du tournoi asiatique de
2002 l’Allemagne (8-0 contre l’Arabie Saoudite) et le Brésil (4 buts contre la Chine,
et 5 contre le Costa Rica) sortent les armes lourdes d’entrée de jeu. Exceptionnellement,
elles tiendront jusqu’au bout le rythme puisque la finale les opposera. De
façon assez surprenante, cette finale de Yokohama est la seule rencontre jamais
enregistrée en coupe du Monde entre ces deux monstres que sont le Brésil et
l’Allemagne. A contrario, l’Espagne (9 pts et 3 buts par match) est impériale au premier tour
mais est victime de stérilité offensive ensuite. Les tirs aux buts les
qualifient contre l’Irlande mais les éliminent en quart devant une Corée du Sud déchaînée drivée par Guus Hiddink.
En 2006, on se souvient de l’enflammade espagnole qui termine le premier tour avec 9 pts et 8 buts marqués (dont 4 face à l’Ukraine de
Shevchenko). Résultat : une piteuse élimination en 1/8e de finale. Mais c’est
l’Argentine (6-0 contre la Serbie) qui impressionne le plus lors des matches de
poule, s’affirmant comme un lauréat potentiel, avant de devoir baisser les
armes face à l’Allemagne, une autre équipe « vitamine » du premier
tour (3 victoires, 8 buts marqués) en quart. Même sort pour le Brésil, stoppé
au même stade de la compétition par une France en mode « diesel » (2
nuls pour commencer avant d’éliminer l’Espagne et donc le Brésil). Les
Auriverde avaient pourtant réalisé un premier tour sans faute (3 victoires, 7
buts). Pendant ce temps, l’Italie se fraie un chemin jusqu’en demi-finale sans
faire de bruit…
C'est qui derrière Fernando? C'est Willy! |
Lors de la première édition
africaine, en 2010, ce sont les Allemands qui provoquent le grand frisson lors
du premier tour en étrillant l’Australie (4-0) puis en ramenant le Ghana à la
raison (1-0). Entre ces deux matches, une étrange défaite contre la Serbie
(0-1) annonce les failles dont se délecteront les Espagnols en demi-finale
malgré une avalanche de buts en 1/8e et en quart (8 contre
l’Angleterre et l’Argentine). Les futurs champions du monde ibériques qui
avaient débuté la compétition par une défaite contre la suisse (1-0)…
Sur les huit dernières
coupes du Monde, l’Allemagne en 90 et le Brésil en 2002 sont les deux seuls
futurs vainqueurs à avoir entamé la compétition très fort. A un degré moindre,
on peut compter la France de 98 dans cette catégorie, puisque les Bleus avaient
fait carton plein (9 pts avec 9 buts marqués) au premier tour, mais c’était à
domicile et face à des équipes de second rang (Arabie Saoudite et Afrique du Sud).
Autre bémol pour l’équipe de Jacquet : la suite fut nettement plus
hasardeuse, avec une qualification au but en or, une autre aux tirs aux buts et
un renversement de situation survenu grâce à un buteur rare en demi-finale.
En 1990, Matthäus a survolé la compétition de bout en bout |
Lors des cinq autres éditions,
l’équipe « on fire » du premier tour s’est la plupart du temps arrêtée
avant les demi-finales : Brésil en 82, Danemark et URSS en 86, et l’Argentine
en 94, 98 et 2006, décidément abonnée à ce rôle de vainqueur potentiel qui
déçoit. L’Allemagne de 2002 ainsi que celle de 2010 sont allés loin (finale et
demie) en poursuivant sur la même carburation, mais les équipes qui vont loin
après avoir débuté doucement sont plus nombreuses : Italie 82, 94 et 2006,
Allemagne et Belgique 86, Argentine et Angleterre en 90, Bulgarie en 94, Croatie
en 98, Turquie en 2002, France en 2006, et à un degré moindre Espagne et Uruguay
en 2010. L’édition 82 est la plus renversante de toutes, puisqu’aucun des
demi-finalistes (Italie, Pologne, France et Allemagne) n’avait remporté son
match inaugural…