Le
sport le plus populaire du monde n’a jamais vraiment pris aux
Etats-Unis. Pourtant, au cœur des années 70, certains ont essayé.
Comme le frères Ertegün, Ahmet et Nesuhi, immigrés turcs,
producteurs de rhythm’n’blues à succès, qui ont fait fortune
grâce à leur label, Atlantic Records. Racheté quelques années
auparavant par la Warner, ils menacent de rompre le contrat qui les lie. La
direction de la multinationale, pour les garder, leur laisse carte
blanche et budget illimité pour assouvir leur passion première: le football.
22, v'là Franz et ses pom-pom girls |
Le
premier club de football professionnel new yorkais voit ainsi le jour au
début de l’année 1971. Il prend part au championnat
nord-américain fraîchement créé dans le but de promouvoir ce
sport sur le Nouveau Continent. Le Cosmos affiche ses ambitions :
rassembler des joueurs de toutes nationalités auxquels la population
bigarrée de la Grosse Pomme peut s’identifier. Dès sa deuxième
saison, le Cosmos remporte la NASL (North American Soccer League),
qui ne compte que huit équipes. Mais la Warner, qui s'est prise au jeu, en veut plus :
plus de spectacle, plus de divertissement, plus de superstars.
En quête d'une "dream team"
Lors
de sa troisième saison, le Cosmos maintient son niveau sportif, mais
les affluences sont décevantes. Moins de 5.000 spectateurs de
moyenne par match sur tout le territoire… Pour booster la
franchise, le club entend enrôler Pelé, un trésor national que la
junte militaire brésilienne est jusque-là toujours parvenue à
garder au pays malgré les offres des grands clubs européens. Pelé
n'a jamais joué pour quiconque autre club que son FC Santos de
coeur, avec qui il a tout gagné. Agé de 35 ans, le triple-champion
du monde accepte le contrat en or des dirigeants new yorkais - 5
millions de dollars sur trois ans.
Avec
dans ses rangs le joueur le plus doué de tous les temps, le Cosmos
change de statut. Il devient une curiosité planétaire. Le premier
match de Pelé en NASL est diffusé en direct dans 22 pays. Arrivé
en juin 1975, sa présence permet de tripler les affluences dans les
stades en une demi-saison ! L’effet « Pelé » fait
un carton aux States.
Il fallait avoir l'idée - mais surtout les moyens - d'associer ces deux-là |
Saison
1977: les résultats sont en dents de scie malgré le renfort de
Chinaglia, caractériel attaquant romain qui martyrise les défenses
adverses. Pour remédier aux lacunes défensives de l’équipe, les
frères Ertegün débauchent Beckenbauer et Carlos Alberto. Soit les
deux derniers capitaines en date à avoir brandi la coupe du monde… Avec
dans ses rangs des joueurs anglais, péruviens, yougoslaves,
brésiliens, allemands, italiens et bien sûr américains, le Cosmos
est alors enfin « l’internationale » du football qu'il
s'était promis de devenir.
Une maison de pré-retraite ouverte au « showbiz »
D’autres
joueurs de classe mondiale s’engagent en NASL : Johan Cruyff,
George Best, Gordon Banks, Bobby Moore, Eusebio et Gerd Muller pour
ne citer que les meilleurs. Avec le Cosmos en tête de gondole, le
championnat américain de soccer atteint son âge d’or. Entre 1977
et 1982, New York remporte quatre nouveaux titres. Les joueurs sont
adulés, au même titre que des stars de la musique ou du cinéma.
Les joueurs s’habituent aux bains de foule et ne disent pas non à
un petit « after » en boite. Les VIP que les joueurs
côtoient dans leurs folies nocturnes sont à leur tour invités au
stade. Barbra Streisand, Phil Collins, Robert
Redford, Muhammad Ali, Quincy Jones, Andy Warhol ou
Steven Spielberg prennent leurs quartiers dans les loges du
prestigieux Giants Stadium dont les vestiaires deviennent le dernier
endroit à la mode.
Bientôt,
le déclin s’amorce. Pelé s’en va sur un dernier titre,
Beckenbauer retourne en Allemagne. Et le public se lasse aussi
promptement qu’il s’était enthousiasmé. En 1980, les affluences
reviennent à leur niveau d’avant l’arrivée de Pelé. Le rêve
du Cosmos s’estompe au crépuscule des seventies,
comme si ces images qui fleurent bon la rouflaquette et les films au
format Super 8 n’avaient plus leur place à l'aune de la nouvelle décennie.
Beckenbauer, Pelé et Chinaglia: l'équipe de rêve du New York des seventies |
Le
Cosmos vivotera jusqu’en 1984, date de la dissolution de la NASL.
Mais pour toujours, il laissera une trace indélébile dans
l’histoire du football et du sport. Il a en quelque sorte montré
la voie aux grands clubs européens qui, depuis 1995, bâtissent des
équipes « all stars » en vendant à son public un
spectacle familial dans des enceintes stylisées et confortables. Les
matches disputés au Giants Stadium, fleuron des stades américains
alliant gigantisme, polyvalence et fonctionnalités ultra-modernes,
offrent des images d’archives au pouvoir de séduction immédiat.
Dans le sillage du Cosmos, c’est toute une politique basée sur
l’outrance financière et le show-business à gogo qui conduisit la
NASL à sa perte. Trop
en avance sur son temps, le Cosmos « bling bling » paiera
ses erreurs et
entraînera tout le championnat dans sa chute.